Quand La fée des livres interview Lucie Dyal (ben moi!)
Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour avoir accepté cette petite interview qui va tourner autour du premier tome de votre saga « Les Pierres Hurlantes ».
C’est moi qui vous remercie de me proposer cet interview.
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1 – Commençons par une question qui n’a cessé de me venir en tête lors de ma lecture… Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce roman ? D’où sont-venues toutes ces inspirations ?
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Difficile d’expliquer d’où vient l’inspiration. Je pense qu’il s’agit d’un état de grâce où, un mot, une image, un je-ne-sais-quoi mettent en marche le mécanisme des idées qui en entraînent d’autres et ainsi de suite… pour initier un projet d’écriture.
En ce qui concerne Les Pierres Hurlantes, cela faisait un moment que tournait dans ma tête, l’histoire d’une princesse promise à un brillant avenir qui se révélait en fait, tout sauf idyllique. D’où provient cette historiette à la base ? aucune idée ! (Je vais envoyer un texto à la muse des écrivains pour lui en toucher deux mots… ) à partir de ce fragment d’intrigue (du personnage d’Aliandra) j’ai bâti le reste du récit, briques après briques, à mesure que je répondais aux interrogations que susciter cette situation inédite.
Quant à l’univers d’Hexavia, il est issu, sans aucun doute, de mes lectures (contes, sf, fantasy, philo, historique etc…). Une synthèse inconsciente de mon grand bazar livresque, en quelque sorte.
2- En plus du roman en lui-même, de cette envie de créer une histoire, comment avez-vous bâtit cet univers si détaillé, si précis ? En effet, vous donnez tellement de détails, que ce soit sur les paysages, les personnages, la magie, celles qu’ils manient, sur le temps qui se déroule tout au long du livre qu’on en viendrait presque à croire que « Les Pierres Hurlantes » n’est pas qu’un simple roman mais une histoire réelle, comme un espace-temps que l’on ne verrait pas mais qui existerait bel et bien !
Créer un univers demande un peu discipline. Il faut qu’il fasse « vrai », cohérent, qu’il ne supporte aucune contradiction.
Au début, il y a une grande part d’imaginaire mais ce n’est pas toujours très « réaliste »… j’ai des milliers d’idées à la seconde… il me fallait les canaliser un brin !!
J’ai dressé une sorte de questionnaire pour me permettre de cerner au mieux le nouvel univers. Il y a bien une centaine de questions… de mémoire : Qui sont les occupants ? quelle est l’histoire du monde ? les règles en vigueur, les lois, les us et coutumes, les croyances, les langues, les antagonismes entre peuples, les alliances, les légendes, les superstitions etc… Tout y passe, de la couleur des cheveux de chaque nation aux ustensiles de cuisine, à la manière de faire de la magie.
Ensuite je viens piocher sur ce qui existe dans notre monde à nous. Et le fait de beaucoup voyager m’aide beaucoup. Au hasard, je peux m’inspirer d’une coutume Mongole ou Chinoise etc… pour introduire des mœurs dans un pays. Je mixte le tout : cela donne Hexavia.
Pour finir, il faut le tester dans l’histoire, chapitre après chapitre pour vérifier qu’il ne comporte aucune anicroche… et ajuster les dogmes de départ si nécessaire.
Ce background m’aide à faire évoluer mes personnages et l’intrigue. Je n’ai parfois même plus à réfléchir. Il guide mes choix.
3- Parlons maintenant du vocabulaire, de ce fameux vocabulaire qui m’a donné tellement de mal à cause de sa technicité mais qui m’a fasciné également ! D’où le tenez-vous ? L’avez-vous fabriqué de toute pièce ? Ou certains termes rencontrés sont bel et bien utilisés dans certains domaines, dans notre monde si je puis-dire ?
Question de cohérence, Hexavia a été crée de toutes pièces par les Six et Tazis, il était normal que les systèmes de valeurs, les mots, les expressions etc soient aussi totalement inventés (issu de mes élucubrations) . Le vocabulaire devait être en rapport avec la magie. (Nous n’avons pas de magie, au sens propre, sur Terre.) La magie est au centre de l’univers. Elle est vecteur de progrès technologique, de promotion sociale mais aussi de corruption.
Toutefois, volontairement certains termes sont utilisés dans notre monde à nous. Je pense par exemple aux mesures comme « tonneau », « goutte »… Je les ai juste détourné de leur sens premier. Je n’en dirai pas plus. 😀
4- Quel est le personnage que vous aimez le plus au sein de votre histoire ? Pourquoi ?
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Aliandra, évidemment, sans elle, je n’aurais jamais écrit cette histoire. Elle n’a pas vraiment d’enfance. Les circonstances (de sa naissance) la contraignent à grandir avant l’heure à réfléchir et agir en adulte.
Je l’ai voulu humaine – pas une super héroïne – avec ses doutes, impuissante face aux événements, qui aimerait faire son devoir tout en n’étant pas sûr d’y parvenir, qui a des rêves et des aspirations qui lui sont interdits du fait de sa future charge de reine. Mais c’est quelqu’un qui ne cède pas au découragement qui contre vent et marais tient le cap. Elle (le personnage d’Aliandra) prendra sa pleine mesure de protagoniste dans le tome 3.
Je crois que j’affectionne ce personnage parce que nous avons un air de famille… et j’aime bien l’idée de lui faire prendre de l’âge et de l’expérience. C’est jouissif pour un auteur.
5- En parlant personnage… Ce qui m’a le plus stupéfait c’est de constater toute la psychologie qui tourne autour d’eux. A aucun moment je ne me suis retrouvée face au cliché du gentil et du méchant, du bon et du mauvais, du pur et de l’impur. Bien évidemment, certains ont un côté noir, une face cachée, quelque chose de sombre en eux mais qui n’en possède pas ? Je me demande alors comment vous avez façonné ces personnages, cette profondeur que l’on retrouve en chacun d’eux et qui fait qu’ils sont tous intéressants et utiles au déroulement de l’intrigue ! Etait-ce voulu ? Calculé en quelque sorte ? Ou est-ce sorti de votre imagination tout naturellement, encore une fois ?
C’est un peu la même réponse que la question 2. J’essaie (je dis bien j’essaie) de bannir toute caricature. J’aimerais que tout un chacun puisse se retrouver dans l’un ou l’autre de mes protagonistes. (Ambitieux, je sais !) Pour y parvenir, il faut qu’ils fassent vrai, plus épais qu’une feuille de papier, en tout cas !
Les personnages sortent tout droit de ma petite tête mais pas que…
Je viens honteusement m’inspirer de mon entourage, proche ou non (commerçant, voisins etc…), de fictions (cinéma, séries) pour chiper leur manière de parler, les expressions, leurs gestuelles, leurs traits, leur charisme ou non.
Et pour chacun d’eux, je dresse une fiche avec leur description physique (je les dessine parfois), psychologique. Je leur définis un passé, leurs forces, leurs faiblesses, leurs limites, leurs goûts etc… Je leur donne un rôle dans l’histoire, des objectifs. Les grandes lignes de leurs futures actions dans le récit.
Pareil, je les teste grandeur réelle… si j’en arrive qu’un personnage estampé au départ comme courageux, fuit face à l’adversité… c’est qu’y a comme un problème… j’ai mal cerné la personnalité de mon bonhomme…
6- J’ai lu sur votre site, dans votre présentation, que vous aviez mis 7 ans à écrire ce premier tome, quelles en sont les raisons ? Le perfectionnisme ? Cette envie de ne rien survoler, de pousser l’histoire jusqu’au bout, sans ne rien omettre ? Ou des contraintes au niveau du temps, de la vie personnelle à gérer de l’autre côté ou encore de pannes d’écriture ?
Au départ j’écrivais beaucoup pour les enfants. J’ai d’ailleurs été primé pour certains de mes contes. (Je les publierai dans un avenir proche.) En prenant de l’âge, j’avais envie de m’adresser à des adultes. On ne s’adresse pas de la même manière à un bambin qu’à une grande personne. J’avais besoin d’un peu de temps pour trouver mon style et le vocabulaire (hors inventé) adéquats.
Ensuite, vu la multiplicité des personnages, des événements, des lieux, des règles, il m’a fallu itérer plusieurs fois la lecture (et donc en réécriture) pour bien ficeler mon histoire. Je voulais être sûr de n’avoir rien négliger, pour ne pas me retrouver dans une impasse plus tard, à inventer un palliatif tiré par les cheveux. Sans mentir, j’ai bien dû rédiger (en réécriture) l’équivalent de 3 tomes.
Du reste, j’ai pris de l’avance dans le récit, bien au-delà du tome 2. ça occupe… pour 7 ans !
7- Ecrivaine, vous avez le pouvoir de transmettre, de créer, de faire rêver, d’emmener un individu hors de la réalité, de le déconnecter et de le faire rêver. Mais, selon vous, nous autres lecteurs en avons aussi, lesquels d’après vous ? Est-ce pour cela qu’un roman devient best-seller, lorsque l’osmose s’opère entre écrivain/lecteur, lorsque ces deux pouvoirs se rencontrent ?
Je pense qu’un auteur est avant tout un lecteur, et en tant que tel, il cherche les mêmes choses que les lecteurs : dépayser, faire rêver, donner du plaisir à la lecture. Et justement la fantasy propose un réenchantement du quotidien passablement désenchanté.
Pourquoi certains ouvrages deviennent des best-sellers… Il n’existe pas de règle, mais je ne dois pas être loin de la vérité en disant :
Lorsqu’un récit parle, touche le lecteur. Il fait écho a sa personnalité, à l’enfant qui est en lui. Parce qu’il a trouvé dans l’histoire un personnage qui lui ressemble auquel il peut s’identifier ou qu’il désirait ressembler. Parce que les mots employés, le ton, le style de l’auteur sont en adéquation avec ce qu’il affectionne dans la lecture. Parce que l’histoire est prenante, surprenante, haletante qu’elle redonne le sourire et qu’elle l’aide à supporter les tracas du quotidien.
8- Si vous deviez décrire ce premier tome en 3 mots, quels seraient-ils ?
Je vais être très pragmatique : Il est le socle sur lequel s’appuie mon histoire : la présentation des protagonistes, de l’univers et la mise en place de l’intrigue.
9- Pourquoi avoir choisi l’autoédition ?
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L’autoédition est un choix assumé. J’ai bien évidemment, pour la forme, envoyé mon manuscrit aux plus grandes maisons édition qui éditent de la sf et de la fantasy (en m’adressant aux plus grandes, je savais que j’aurai peu de chance d’être retenue, en outre, certaines ne m’ont pas encore répondu) et je me suis arrêtée là.
Si j’ai choisi ce mode d’édition ce n’est pas parce que toutes les maisons d’édition ont refusé mon manuscrit, mais parce que :
– je n’avais pas envie d’attendre une hypothétique réponse des éditeurs
– la gloire ne remplit pas le frigo ni ne paie les factures
– une fois le livre édité, très souvent les éditeurs se désintéressent du destin du bouquin
– je ne voulais pas céder mes droits
=> du reste les vrais auteurs n’en retirent aucun bénéfice. La preuve, des auteurs comme Grimbert ou Fetjaine ont monté leur propre maison d’édition. N’est-ce pas de l’autoédition ?
L’écrivain autoédité refuse sa situation de passif et n’accepte plus la fatalité. Il décide de passer à l’action. Il relève les manches et apprend les divers métiers du livre : publication, distribution et marketing.
Mais soyons honnêtes, contrairement au mythe relayé par la presse, l’autoédition ne permet pas de faire fortune. Parce que le nerf de la guerre c’est la diffusion et la distribution. Les médias nous sont très souvent refusés. Il reste le bouche-à-oreille et la pub – qu’il faudra payer au prix fort, les réseaux sociaux, les blogueurs, les booktubers et une part de chance !
Mais les rencontres (en vrai, par mail) avec les lecteurs sont très sympas et font chaud au cœur. Merci à eux.
10- Et pour terminer, une question un peu plus personnelle maintenant, quels genres littéraires affectionnez-vous ? Pourquoi ?
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J’aime tous les genres littéraires. Je lis de tout. Du classique en passant par la bd, manga, beaucoup de sf, de fantasy mais peu de polar. J’adore lorsqu’on me surprend, du point de vu de l’histoire et du style. Par exemple Justine Niogret m’a bluffé avec sa manière d’écrire Chien du Heaume. Dans Gagner la guerre (encore plus dense que moi) de JP Jaworski, l’auteur a réussi à rendre sympathique le pire des antihéros. Damasio avec la Horde du contrevent virevolte avec les mots… un régal !
Merci à vous pour avoir accepté cette interview !
C’est moi, qui vous remercie d’avoir pris le temps de me proposer cette interview, j’ai eu beaucoup de plaisir à la faire.
Lucie